samedi 6 juin 2015

Le ripailleur de vers

Il ripaille avec des vers
Non pas les vers à pieds mais les vers dont on compte les pieds
Déprime quand il ne trouve pas de rimes riches
S’extasie devant une métaphore mais c’est fort
Oublie la césure dans l’alexandrin de bon teint.
Il côtoie Hugo et Verlaine
Et d’autres très grands par douzaines
Chez lui partout trônent
des recueils et autres bouquins de poèmes
Sa bible c’est une armée de dictionnaires
Pierre, Robert et autres grammairiens ordinaires
Son Coran s’appelle Bescherelle et Littré
Son dictionnaire de rimes ne le quitte jamais.
Tout l’interpelle lui le rebelle
il décortique le système se creuse la cervelle
se réjouit de toute nouvelle trouvaille
et note en rime les solutions qu’il mitraille
 pour résoudre tous les problèmes
Il pose les mots comme des dentelles
Tricote et détricote, ajuste et cisèle
pose des virgules délicatement du bout de sa plume
écrase un point comme un coup sur l’enclume
martèle des points de suspension pour suspendre
un bon mot, une métaphore héroïque, un oxymore magique
et s’il ne crie pas pour se faire entendre
il noircit de son écriture à ratures
des tas de petits carnets sans dorure.
Il s’installe sur des coins de table improbables
dans des bistrots, des salles d’attente insoupçonnables
cherche l’inspiration dans le regard de l’autre, le sourire
d’une belle, la parole d’un amant, un pauvre soupir
s’installe pour regarder le ciel qui devient hirondelle
se penche sur l’instante kyrielle de moments intemporels
et soupire au vers qui tellement se fait désir.    
Il ne connaît ni lais ni sonnets, se moque des odes
la technique n’est pas pour lui ça l’incommode
mais ces poèmes qu’il déclame sur les scènes de la vie
à bien des poètes officiels feraient envie.
Laissons-le-nous faire partir dans ces longs voyages
qu’ils s’appellent prose, poésie, ce ne sont pas des bavardages
mais des invitations à rêver, à respirer, à sentir à vivre à n’en plus finir.
Il dit ne rien connaître ne cherche pas
à paraître mais à travers ses mots épars
transpirent la vérité et le sens du vécu
Attaché à aucun lieu il promène loin de la cohue
sa liberté et son refus de chaînes
qui l’obligerait à renoncer et qui l’entraîne
sur tous les chemins qui s’offrent à lui
De quoi demain sera fait n’est pas un problème
Il profite du jour fait sienne la devise carpe diem

SDF de la poésie mais n’étant pas poète maudit
son sourire s’affiche étonnant le passant qui oublie
alors un moment son pôle emploi, son RSA et autres tracas.
Merci à toi ami qui refuse le titre de poète
préférant pour ne pas te compromettre
Qu’on t’appelle parolier toujours en quête
de belles paroles à éblouir les têtes
Et quand à la fin des jours sur le dernier moment
tu poseras le tout dernier de tes textes
pas sûr que tu aies tout dit, tout écrit mais tu transmettras à d’autres ton envie
envie de partager tes idées, pour aider l’enfant à grandir et l’homme à réfléchir
lui rappeler de ne pas s’enfermer de ne pas s’abêtir
qu’il faut être capable de toujours réagir
Rien n’est gagné d’avance et toi l’homme de progrès
on te suit, je le confesse sans menace de procès.
Pose des mots pour construire des villes
Pointe tes rimes selon tes seuls désirs
étonne-nous de tes ruptures irrégulières
à t’écouter longtemps fais nous vibrer
détourne-nous des hier
et laisse-nous toujours et encore
 espérer.

Francis DELEMER

05/06/15

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