Quand on pense veillée, on
associe ce mot à ces temps consacrés à une réunion de famille ou entre amis
et/ou voisins. Le plus souvent à la campagne, c'est une soirée plus ou moins
longue, entre le dîner et le coucher. Ce sont longues veillées, ces veillées d'hiver, pour raconter des contes, des
histoires devant l'âtre autour des bolées de cidre chaud (Jean Lorrain, Sensations
et souvenirs ., 1895, p. 235).Les premiers instants sont silencieux, on entend
le doux ronflement des rouets et le léger cliquetis des aiguilles qui
s'entrecroisent (...) mais bientôt (...) l'on devise gaiement pendant les
quatre ou cinq heures que dure ordinairement la veillée. Les vieillards pleins
de souvenirs (...) narrent des récits que l'on se transmet oralement depuis des
générations (Menon et Lecotté, Au
Village de France, t 2, 1954, p. 89).
On n'imagine pas la veillée
d'armes qu'ont connue nos anciens, avant le combat du petit jour; encore moins
à la veillée funèbre, ponctuées de silences et de prières discrètes.
La veillée rencontre, entre
voisins, a été mise à mal par l'arrivée de la TSF. AU tout début; on vient chez
le notable ou le plus riche des pauvres qui possède le poste, ce meuble
extraordinaire dont les énormes lampes ont besoin de chauffer avant que ne soit
perçu des grésillements inquiétants, des odeurs de fumées et puis une voix
cadavérique qui sort de gauche, là où il y a un disque de tissu qui se fond dans la couleur du bois. Car,
bien évidemment, pas de plastique...mais, de la bakélite. Et puis, le progrès,
la miniaturisation permet de n'avoir accès qu'à trois ou quatre boutons :
Interrupteur "arrêt / marche
+ volume du son"
la Recherche des stations,
les Gammes d'ondes ( GO-PO-OC) et parfois, la tonalité.
Le mode d'emploi est très
simplifié et à la portée de tous. La forme change, c'est la fameuse "boîte
à jambon" de Philips.
Les prix diminuent, chaque
famille possède son poste, qu'on écoute chez soi, sans partage ! et on écoute
tout !
Qui se souvient encore de
Geneviève Tabouis ? Entre le Quitte ou Double et le Radio Crochet du regretté
Zappy Max , cette journaliste éditorialisait sur Radio Luxembourg. Elle tenait
une rubrique hebdomadaire, le dimanche soir, qui s’intitulait « Les dernières
nouvelles de demain ». Elle attaquait toujours par les quatre mêmes mots « Attendez-vous
à savoir… » Après quoi, voix nasillarde et débit accéléré, elle alignait des
prévisions politiques qui se réalisaient, ou pas, ce qui était sans importance
puisque, un mois plus tard, dans le pire des cas, tout le monde, y compris
elle, avait oublié le contenu de ses prophéties.
Et Ménie Grégoire, qui
résolvait tous les problèmes familiaux et qui ose même parler de sexualité
« À l'époque où je faisais mon émission, l'homme était souvent un peu… une
brute, et la femme, pas du tout informée ». Elle est ainsi souvent considérée
comme la première psychologue radiophonique.
Et radioscopie de Jacques
Chancel, ...et Daniel Filipacchi. Chaque gamin a maintenant son petit
transistor avec UN écouteur individuel. Mon père m'offre mon premier le jour de
mon brevet. J'ai quatorze ans et je frime dans les rues de village en écoutant
SLC, Salut les copains !
Puis arrive...La télé ! Et le
même schéma se reproduit. De rares postes, de vrais meubles d'ailleurs, encore
plus mystérieux pour les gamins... Quand le technicien vient en installer un
chez mes parents, il me persuade que les personnages vont sortir par les
bouches d'aération... Je guette, je guette. Je n'ai pas été assez attentif et
ils ont filé ! :
A nouveau, on invite les voisins,
dessins animés du jeudi à 16 h 30, Piste aux Étoiles du mercredi soir...Une
seule chaîne, en noir et blanc, des programmes qui commencent à 20 h par le
Journal ( Jacques Sallebert, Georges de Caune)
et se terminent à 21 h 30 sauf grandes diffusions en Eurovisions avec la
Te Deum de Charpentier. Le jour du mariage du roi Beaudouin de Belgique et de
Fabiola, la maison est une véritable salle de cinéma. On n'entend plus que la
voix de Léon Zitronne, les pleurs des femmes réunit devant le petit écran – il
était vraiment petit- et les gamins ont été prié d'aller jouer dehors !
Mais, je suis amoureux des
speakerines...déjà, car aux âmes bien nées etc., etc., Jacqueline Joubert et
Catherine Langeais. Et puis, je deviens intellos :
Lecture pour tous de Pierre Desgraupe,
Cinq colonnes à la unes de
Lazareff, , les jeux de Pierre Sabbagh
et de Pierre Tchernia.
Je vais au cabaret avec Denise
Glaser, au Théâtre ce soir et au cinéma tous les dimanche soir sauf quand il y
a un carré de sucre en bas de l'écran! au zoo avec La Vie des animaux de
Frédéric Rossif et Claude Darget. Suivre des émissions médicales avec Etienne Lalou.
Mais, la télé va grandir,
grossir, devenir ce monstre envahissant qui va réduire chacun à rester chez soi
pour...regarder la Pub ! Fini l'époque de ' On a toujours besoin de petit pois
chez soi", maintenant, on a les marques, et ça défile, ça défile...Tiens,
pourquoi une émission de TV dure –t-elle 52 min
? C'est le standard international imposé par les USA, encore eux, pour
caser 8 min
de pub ! Et on suit, bien
sûr !
Alors, il y a quelques 7/ 8 ans,,
Louis Capart a créée et animé des Veillées , quelques temps dans un petit
village au sud de saint Brieuc puis, les veillées des Côtes du Nord d'abord au
bar Ar Wid à Trévérec puis devant le
succès à Tréméven . Elles font référence aux veillées d'antan avant la
télévision. Pour Louis, elles sont un partage entre tous, tous les
participants, paysans, ouvriers, enseignants, retraités, musiciens,
professionnels ou non, conteurs, blagueurs et autres «coutumiers du fait"
se produisant pour quelques minutes pour le public.
"Elles expriment une certaine forme de
résistance à une politique sans intervention, supérieure ou institutionnelle,
sans aucune autre richesse collective que la nôtre. Elles sont surtout le
travail de chacun, c'est à dire des bénévoles! "
Lorsqu'il y a cinq ans, j'ai
demandé à Louis l'autorisation de le copier et non le plagier, il a attiré mon attention
sur un fait fondamental qui font les richesses de ces rencontres ! Tous les
intervenants sont égaux ! Il n'y a pas des bons, des mauvais, des
professionnels, des amateurs...Il y a uniquement des gens qui ont envie de
partager un moment avec les spectateurs – ce qui explique la durée limitée à
5/6 minutes. Des gens qui osent monter sur une scène, qui osent braver leur
tract parce qu'ils veulent partager. Tous ceux qui se produisent en voulant
jouer "les vedettes" n'ont rien compris ! On ne joue pas pour être
applaudi, on monte pour faire plaisir parce que on aime telle chanson, tel
poème, telle lecture, telle histoire. Et puis, on peut assister aux veillées en
spectateur. C'est aussi enrichissant et encourageant pour les artiste d'un soir
!
5 ans donc ce soir. Avec des fidèles de la première heure, des anciens
qui venaient à Saint Agathon et qu'on ne revoit plus. Certains qui ne viennent
que de temps en temps et qu'on revoit toujours avec plaisir. Des nouveaux qu'on
espère voir souvent car, pourquoi s'en cacher ? Nos veillées vont mal. La
fréquentation baisse et les bénévoles se fatiguent. Serons-nous là dans cinq
ans ? Qui sera sera !
Merci Louis d’être passé dans le ciel de nos Veillées
Comme un soleil éclairant nos belles soirées
Compagnon du partage , tu faisais rimer notre vie
Avec le chant, la Musique et la poésie
Grâce à toi nous avons Rendez-vous tous les 15 du mois
Pour chanter la Vie, l'Amour et l'Amitié