mardi 4 décembre 2018

Le petit bulot


Le petit bulot


Dans un bistro tout rencogné tout petit
juste après le dépanneur « chez Ali »
Il m'a offert un ristretto parfumé
élaboré à partir d'arabica fraîchement torréfiés

Et on a causé, on a causé
il m'a parlé de sa vie d'avant, avant d'être péché
Il vivait au fond de l'océan tout sale et sombre
d'ailleurs pour y voir clair, il avait des lumerottes en nombre

En permanence allumées, elles répandaient une douce lumière
et il allait de là, de ci, et même de-ci de-là, pas fier
il n'avait jamais froid pas comme ses frères du Canada
toujours à lutter contre la poudrerie épaisse qui tombe là-bas

Il vivait tranquille jusqu'au jour où il s'est trouvé
devant un monument assemblage de bois et de filets
il y avait deux ouvertures
et entre les deux, une vieille morue, sublime nourriture

son cousin Bernard le vieil ermite a voulu le prévenir
t'es fada ou quoi, mille pétards tu veux mourir
mais petit bulot affamés n'ayant pas d'oreilles
y est entré et fut fait prisonnier

Longtemps après on a relevé le casier
il ne pouvait partir : alors il a voyagé
le bateau le frigo le camion la voiture,
y a que le vélo qui ne l'a pas transporté

Et il s'est retrouvé sur le banc du poissonnier
sur un lit d'algues et de glaçons concassés
on a voulu l'acheter : c'était un vieux Champagné
le costume anthracite, la chemise bien repassée

l'air d'un gangster Al Capone en vieux
alors sans bouger il s'est recroquevillé de son mieux
il n'avait pas fière allure
pour attendre l'heure de la fermeture

il me raconte tout cela mais je m'en fous
je cours chez Ali le dépanneur : je veux de la Mayo
il est encore ouvert bien qu'il ne soit pas tôt
et quand je suis revenu dans le petit bistro

il avait disparu le petit bulot
alors je me suis mis à chanter

c'était un petit bulot que j'avais ramassé
il était tout en pleurs sur le banc du poissonnier



Conversation.



Tu vois petit

D'abord, je ne suis pas ton petit !

Bon, tu vois mon grand


Tu exagères toujours !

Bon, tu me laisses parler ?.

Ça y est, faut que tu gueules !

Bah, forcément, tu ne me laisses pas parler ! !

Bon, OK, je t'écoute.

Voilà, quand j'avais ton âge…

Ah non, ne recommence pas ! Les histoires de ton enfance, j'en ai ras-le-bol !

Tu pourrais quand même me respecter.

Te respecter, en quel honneur ? Tu respectes les autres, toi ?

En tous cas, je respectais mes parents, je les écoutais et je les aimais.

Tu parles ! Papy m'a dit que tu étais un sale gosse !

Il a dit ça, Papy ?

Oui, et puis d'autres choses encore.

D'autres choses ? Lesquelles ?.

Mamie m'a dit de ne pas les répéter !

Mamie ? Elle si elle est mise aussi ?

Oui, elle m'en a raconté des choses !

Bon, ça va : on ne se comprendra jamais. Tu peux aller jouer !

T'avais pas un truc à me dire ?

Non, rien, rien, je n'ai rien à te dire.

Bon, à ce soir.

C'est ça, à ce soir !