vendredi 16 décembre 2016

Alep

On ne fabrique plus de savons

À Alep
On a d’autres préoccupations
On invente des combines
Pour échapper aux bombes
Mais ça ne marche pas toujours.

Sur les trottoirs disparus des photographes
Des envoyés spéciaux et des habitants
Ordinaires qui fixent sur leur téléphone
Les éboulis qui étaient leur demeure.
On se déplace à pied
Une carcasse de voiture
Ça reste sur place
Il n’y a plus de rues, plus d’édifices dédiés
Même plus une place de stationnement
Même plus de cimetières
Pour cacher sa misère.

On ne trouve plus rien
Plus d’eau plus de lumière
Plus d’air pur plus de pain noir
Reste la poussière impure.

Entre deux courts silences
Des explosions, des tirs d’armes
Puis des cris des larmes des lamentations
Les pleurs des veuves
Les gémissements des blessés qui ne seront pas soignés
Les hoquets des orphelins entrecoupés de Maman 
Les sirènes haletantes des secours disparus.

Alep quartiers martyrs
Deux fois les Champs Élysées
Ravagés cognés boxés assommés
Des blessures de pierre des meurtrissures des corps
Rues défigurées où errent des fantômes livides
Longs sacs orangés venus dont ne sait où
Qui a pris le soin
Qui a trouvé le courage
Qui a pensé donner un semblant
De tombeau
Aux victimes des hommes
Qui a pensé dissimuler la puanteur
La décomposition
Les mutilations obscènes
Et quel avenir pour ces cercueils camping
Autour desquels tournoient
Des vols de mouches déçues de ne pouvoir
Se repaître de festins sordides

Alep vingt kilomètres carrés
Qui ne sont qu’un point sur la carte
Quartiers bombardés par les amis russes
Îlot assiégé par l’armée du dictateur
Dont on veut oublier même le nom
Alep abandonné
Par les puissances impuissantes
Discutant autour d’une table
Les cartes à la main
Non des cartes à jouer
Mais des cartes à parier à gagner
Monopoly des puits de pétrole
Des bouts de frontières
Des hectares de pactole
Pour l’instant poudrière


Alep tu m’obsèdes
Te serrer dans mes bras
Te caresser te rassurer
Te dire des mots d’amour
Des mots de paix.


Mais Alep
Je ne peux que pleurer.