Le
pachyderme
Le jour se levait à
peine quand la grosse voiture allemande de monsieur Duplessis s’engouffra dans
le parking. Monsieur Duplessis glissa sa carte d’abonné dans l’automate et la barrière
se leva. Il roula jusqu’au bout de la rangée et se gara à sa place réservée,
juste à gauche de l’ascenseur. Comme tous les matins, il était le premier. Arrivé
le premier, parti le dernier, le PDG de la « Duplessis Cie » montrait
l’exemple à tous ses employés, à tous ces petits sur lesquels il régnait sans
concession. Chacun lui devait son emploi, son salaire, ses rares avantages. Il
était admiré, respecté, craint, haï peut-être, il s’en moquait ! Il était
le chef ! C’est grâce à son travail, son acharnement, son courage qu’il
avait pu faire de « Duplessis Cie » le plus grand cabinet d’urbanisme
de toute la ville ! Il aurait même pu agrandir encore sa société, mais,
au-delà de 49 collaborateurs et employés, il aurait dû supporter un comité
d’entreprise et de cela, pas question ! Pas question que l’on puisse
discuter ses décisions ! Donc, il dirigeait 48 moutons dociles auxquels il
ne laissait aucun répit, aucune autonomie. Lui seul était indispensable !
Il prit son élégant
attaché-case en cuir noir, vérifia que son Android était bien dans sa poche et
ferma sa voiture. Il se sentait bien : une nouvelle journée de travail qui
lui permettrait de démontrer sa valeur commençait. La tour était encore
silencieuse, seul son pas résonnait sur le sol impeccablement propre. Il se
dirigea vers l’ascenseur, appuya sur le bouton d’appel et attendit. Il rectifia
son nœud de cravate, admira ses souliers resplendissants, regarda à droite, à
gauche, et prit conscience, tout à coup qu’il n’entendait pas le bruit de
l’ascenseur. Il appuya une deuxième fois, tendit l’oreille : toujours le
silence ! Rageusement, il s’acharna plusieurs fois sur le bouton. Aucun
résultat ! Il lança à haute voix une bordée de jurons, langage qui
contrastait avec sa tenue, mais dont il était familier ! Sa famille en
savait quelque chose ! Et seule la crainte d’une plainte l’empêchait
d’utiliser ce même langage envers son personnel.
Il se recula et vit sur le bandeau lumineux que la
cabine était arrêtée au 10e étage ! Encore ces types de l’entretien !
Ils bloquent les portes de l’ascenseur avec leur chariot plutôt que de le
sortir à chaque fois ! Les petits cons ! Ils allaient l’entendre !
Les virer et changer de société d’entretien ! Voilà le premier boulot en
urgence !
Ses bureaux étaient au 12e étage ! Donc, au
moins neuf étages à monter par l’escalier ! Cela ne le rebutait pas,
malgré ses problèmes cardiaques. Après tout, cela lui ferait un peu d’exercice,
salutaire à son état. Il monta sans problème, mais, en attaquant les marches du
deuxième, une vague douleur dans la poitrine lui rappela les conseils de son
cardiologue. Il s’arrêta, respira profondément, lentement et bien vite, son
rythme cardiaque s’apaisa. Il reprit son ascension calmement jusqu’au quatrième,
mais, au fur et à mesure qu’il montait, sa colère, elle aussi, suivait le même
trajet. Tout à coup, il entendit l’ascenseur se mettre en route. Il grimpa
quatre à quatre jusqu’ au palier pour l’appeler, mais au lieu de
descendre, il montait et s’immobilisait au quinzième ! Bon, il en serait
quitte pour grimper tout par l’escalier. Et tout cela, à cause de ces abrutis
d’agents d’entretien qui, en plus, faisaient le boulot à l’envers ! Qu’ils
le fassent bien ou mal, peu importe, demain, ils seraient ailleurs ! Et vu
la crise, ils pourront pointer à l’ANPE !
Il regarda sa montre. 7 h 30.
Il allait être en retard pour téléphoner à son collègue de Shanghai. Et, il
devait lui communiquer des données importantes et confidentielles à propos d’un
vaste chantier que leurs deux bureaux d’études devaient superviser à Dubaï. Cela
acheva de le mettre en colère. Il accéléra encore. Le septième fut franchi en
un souffle, le huitième de même. Il attaqua le neuvième, en négligeant le poids
qui commençait à lui écraser la poitrine.
Il n’allait pas s’arrêter quand
même ! Il était presque arrivé
Rien ne l’avait jamais arrêté.
C’est ainsi qu’il était
devenu ce qu’il était !
Il ne lui restait plus
que quelques marches à gravir quand une douleur atroce le submergea ! Un
poids énorme écrasait sa poitrine comme si un éléphant s’était assis sur lui et
l’écrasait lentement. Sa vision se brouilla, il chancela. Instinctivement, sa
main droite se porta vers la poche où il gardait son pilulier en email bleu. Son
bras gauche était engourdi et il lui fallut des efforts insupportables pour
ouvrir la boîte. Il y parvint enfin, se saisit d’une petite pastille qu’il
glissa avec du mal entre ses lèvres serrées alors que les autres se répandaient
sur le sol. Dans un geste pour les rattraper, il perdit l’équilibre, et tomba à
genou. Un spasme plus fort lui serra la poitrine. Il crut pousser un cri ou un
gémissement, mais la nuit l’envahissait, les marches disparaissaient. Il
s’enfonçait dans le sol, lentement, inexorablement, et il fut recouvert par les
ténèbres.
********
Ce n’est qu’au travers
un océan de coton noir qu’il perçut des pas qui s’approchaient de lui. Il entendit une
exclamation dans une langue inconnue. Les pas se rapprochent puis une main
fouille les poches de son veston. Un voleur ? Il ne sait pas trop et, de
toute façon, il s’en moque. Un nouveau bruit : c’est son pilulier qui
tombe sur le béton. On le ramasse. De gros doigts qui sentent les produits d’entretien
forcent ses lèvres et glissent une petite pilule. Il se sent bien, presque
reconnaissant, dans un état qu’il ne connaît guère. Il n’a plus conscience de rien,
mais il se sent flotter. D’un lointain inconnu, une mélopée lui parvint
faiblement. Oui, on chantonne près de lui, dans une langue étrangère. Une
langue africaine peut-être ? Le temps passe, lentement. Il repense à
l’éléphant, le pachyderme qui peu à peu quitte sa poitrine et s’éloigne. Il voit
cette énorme silhouette disparaître vers le lointain, au rythme lent de la
mélopée africaine. Des vagues de lumières d’un soleil couchant l’envahissent.
Il sent une douce chaleur, il pense à la mort. Une sérénité l’envahit
doucement : il n’a plus peur. Il est bien.
Combien de temps cela
dura-t-il ? Il l’ignore. Peu à peu, une lumière pâle apparaît. Puis, un
plafond, des couleurs pâles, ternes, sans chaleur. Des odeurs de propres, de
désinfectants. Le souvenir lui revient. Il est dans un hôpital ? Non, sous
lui, c’est froid. Il n’est pas dans un lit ou sur un brancard. Et puis, il n’y
a pas les bruits de l’hôpital. Et au-dessus de lui, ce visage. Noir, émacié.
Des yeux bleus, clairs, vifs. Et cette voix qui chantonne des mots bizarres,
mais apaisants.
Mais, qu’est-ce qu’il fait là ? Ah, oui, le
malaise, l’ascenseur en panne, les escaliers, la douleur ! Et tout à coup,
monsieur Duplessis redevient lui-même. Ce nègre, là, ce ne serait pas un
marabout ? C’est la meilleure ! Et son odeur ! Il sent l’eau de javel !
C’est lui la cause de tout cela !
— Fichez-moi la paix
avec vos conneries ! Aidez-moi plutôt à me relever !
— Doucement,
Pat’on ! Ton coeu est tés malade ! T’’as pas la bonn’vie ! Tu t’availles
t’op.
Tu crr’ies
toujou’su’ les gens et les chos’ ! J’ai entendu, heu’eusement quand
tu as fait malaise. J’ai donné tes médicaments mais tu allais quand mê’ m
mou’ir ! Alors,j’ai aidé ! Tu sais, moi g’and toubib dans mon
pays ! Je connais les mots et les gest’s et les p’ières ! J’ai appelé
l’esp’it de l’éléphant. ! Et il est venu : il a donné sa force !
Monsieur Duplessis n’en
croyait ni ses yeux ni ses oreilles ! Cet abruti de noir voulait lui faire
croire qu’il l’avait sauvé avec ses chansons et ses prières ! Non, mais,
En 2014 ! N’importe quoi !
—
Oui, tu abus’ de t’op de chos’ ! Tu manges t’op, tu bois t’op
d’alcool ! Pas bon tout ça ! Et tu t’availles toujou’ ! Tu as de
l’a’gent, plein, dans ton po’tes-feuilles, dans ton ca’nets de chèques, dans ta
banque ! arr’être ton t’avail ! Repose-toi et va pu voi’ cette femme
le midi, elle te suce le sang et la vie ! Elle va te fai’ mou’ir !
Alors
là, c’en était trop ! Ce type avait fouillé dans ses poches. Et comment il
avait deviné pour Marie-Claude ? Qu’est-ce qu’il avait laissé comme
indice ? Il n’avait pas de photo, pas de billet doux ! Juste son
Numéro de téléphone sur son portable et encore sous une fausse identité :
M.J.C., Maison des jeunes et de la Culture pour Marie-Claude Jamet !
—
Tu me prends pour qui ? Fouiller mes poches, mon portefeuille ! Tu
veux me faire chanter ? Et ces conneries d’éléphant ? N’importe
quoi ! t’es maboul pour croire qu’un bétail pareil, aussi con, a des
pouvoirs ! Ça ne prend pas avec moi ! Retourne dans ta brousse !
Allez, fout-moi le camp, pauvre mec !
L’homme s’est reculé de
quelques pas pour laisser monsieur Duplessis se relever. Son visage est grave.
D’une voix étrange, inquiétante, sans accent, il murmure
— On t’aide, on te
soigne ! Tu as la haine dans ton cœur ! Méprise-moi si tu veux, peu
importe ! Insulte – moi, cela ne me change pas beaucoup. Mais, respecte
mon frère l’éléphant !
Excuse-toi auprès de lui, sinon, il se
vengera !
Monsieur Duplessis est
tellement interloqué qu’il ne peut répondre sur-le-champ. Il rectifie son nœud
de cravate, brosse de la main son veston, réajuste son pantalon, saisit son
attaché-case et monte les deux ou trois marches vers le palier. Il monte dans
l’ascenseur et au moment où les portes se referment, il foudroie l’homme
d’entretien et hurle :
« T’es
viré ! »
********
Arrivé à son bureau,
Monsieur Duplessis regarde la pendule et
se force au calme. Il a du travail, il doit le faire. Tout le reste n’a aucune
importance. Il est rassuré. Il va prendre rendez-vous avec son cardiologue et
justement le week-end prochain il a programmé un soi-disant colloque à
Deauville. Sa femme a horreur de cela, mais Marie-Claude apprécie
beaucoup ! Il peut encore appeler Shanghai. Il se jette sur le téléphone.
La journée ne fait que commencer.
Le soleil commençait à
peine décliner en cette fin d’après-midi de printemps quand la luxueuse Mercedes de Monsieur
Duplessis sortit du parking en trombe. Un
homme épuisé la conduisait. C’était la première fois qu’il partait le premier
des bureaux au grand étonnement de ses collaborateurs. Aucun ne s’était aventuré à lui poser une
question. Un peu de repos lui ferait du bien. Il avait eu des impressions
étranges toute la journée, comme la présence de quelqu’un qui le guettait.
Plusieurs fois, il s’était retourné brusquement. Sans résultat, bien sûr. Et
puis, ce coup de téléphone à l’entreprise de nettoyage ! Il avait dû
attendre un temps fou avant d’avoir le patron qui lui avait certifié qu’aucun
employé noir n’avait été mandaté pour effectuer le nettoyage des locaux ce
matin-là ! Il avait été tellement désappointé qu’il avait dénoncé le
contrat d’entretien avec effet immédiat. Sa secrétaire, pas trop mauvaise
habituellement, avait passé plusieurs heures à trouver une société de
remplacement et pendant ce temps-là, le travail ne se faisait pas ! Le
chantier de Dubaï était retardé du fait du mariage d’un prince des Émirats
arabes avec une starlette californienne. Le midi, il avait voulu déjeuner dans
un restaurant végétarien absolument immonde et c’était le jour qu’avait choisi
Marie-Claude pour inviter quelques copines à faire du shopping !
Bref, une journée à
oublier et rentrer de bonne heure pour profiter un peu de sa serre aux
orchidées lui ferait le plus grand bien !
Il prit le périphérique
A cette heure, peu de circulation et il écrasa l’accélérateur sur la file de
gauche. Il n’avait pas de chauffeur. A quoi bon avoir une telle voiture si
c’est pour la faire conduire par un autre. Et conduire, il aimait cela. Il essayait
de respecter les limitations de conduite non pas par civisme pais par calcul de
ses points disponibles sur son permis. Il dépensait assez d’argent avec les
stages de récupération ! Il avait parcouru à peine une dizaine de kilomètres
qu’un panneau lumineux annonça « Accident à trois kilomètres !
Ralentir » Ah, zut ! Rien n’allait aujourd’hui ! Son rythme
cardiaque s’accéléra ! Il ralentit et se força à respirer lentement. Sa
main droite se porta machinalement dans sa poche où se trouvait son pilulier. Il
le caressa doucement, puis le sortit et le regarda. Stupeur ! Il n’avait
jamais remarqué cela ! Il le possédait depuis sa première alerte
cardiaque. Un cadeau attentionné de sa chère épouse. Un bel objet en émail bleu
auquel il n’avait prêté qu’une attention rapide ! Bel objet donc,
d’inspiration hindoue, peut-être, et là, sur le couvercle, d’un gris discret
dans le camaïeu de bleus : un éléphant ! Il était tellement surpris
qu’il faillit emboutir le véhicule qui le précédait. Coup de frein brutal,
légère embardée ! Bon, il valait mieux sortir !
Une bretelle de sortie était
justement annoncée à quelques centaines de mètres ! Il met son clignotant
et lentement, de file en file, il se rabat vers la droite juste à temps pour
sortir. Ouf ! Il a chaud, il pousse la clim. Pourtant, le soleil n’est
plus là. Le ciel est même devenu gris ! Des nuages, lourds, épais laissent
présager un orage. Allons, dans vingt minutes, il sera chez lui. Une bonne
douche, un jogging léger et confortable, un bon fauteuil, un bon disque de jazz,
un whisky-soda et quelques glaçons, oui, du repos !
Allons, bon, ça ralentit
encore ! Ah, les flics maintenant qui font signe de ralentir. Des panneaux
sur le côté « Accident » ! Ah, zut, zut, zut ! Ça continue.
Monsieur Duplessis ne se sent pas bien, la sueur coule de son front, son siège
est trempé ! Il a la bouche sèche. Le malaise de ce matin lui revient. À
nouveau, sa main droite fouille sa poche et il sort le pilulier. Il n’en reste
que deux. En tremblant, il en saisit une maladroitement et la dépose sur sa
langue ! Allez, ça va passer… Bon, l’accident. Ça ne roule plus ! À
dix mètres de la Mercedes, un camion rouge et jaune est couché sur le côté. À
sa gauche, un gros 4x4 la colle. Monsieur Duplessis ouvre la portière qui cogne
conte la carrosserie de véhicule ! Impossible de l’ouvrir et le conducteur
qui l’injurie ! À droite, la bande d’arrêt d’urgence était neutralisée par
de gros blocs de béton ! Monsieur Duplessis défit sa ceinture de sécurité,
s’allongea sur le siège passager et tenta d’ouvrir la portière :
impossible ! Mais pourquoi cette peur ? Pourquoi vouloir sortir de
son véhicule ? Il n’y avait qu’à attendre, tranquillement. La circulation
allait bien reprendre sur une file. D’ailleurs, pourquoi s’était-elle
arrêtée ? Il y avait quelque chose ! Quelque chose que monsieur
Duplessis avait mal analysé. Quelque chose que lui, le grand patron, ne pouvait
changer. Un imprévu ? Mais quoi ? Et tout à coup tout s’enchaîna et
devient clair. D’abord la grande bande publicitaire sur le camion rouge et
jaune, en grandes lettres immenses : « Cirque Achille Minder »
et une autre, plus petite « Transport d’animaux » Et puis, tous ces
gens qui s’affairaient autour du camion. Des pompiers, bien sûr, mais pas de
secours en blanc. Pas des gens du SAMU, mais des hommes costauds, en bleus de
travail ou en jeans, avec des pulls et de grosses chaussures et de grands
bâtons, comme des piques, à la main. Et ces cris, ces appels de l’un à l’autre,
cette espèce de panique, oui de panique ! Pourquoi ? Non, ce n’est
pas possible ! Le camion bouge, il tressaute ! Et puis un grand
bruit, énorme ! On dirait, oui, on dirait… Non, mon Dieu, dites-moi que je
rêve ! Un barrissement ! Dans ce camion, il y a un É L É P H A N T !
Monsieur Duplessis
souffla un grand coup ! Allons, il n’y a pas de danger ! Il y a des
sécurités, des grilles, et puis, tous ces gens du cirque, ils savent faire. Ce
sont des spécialistes. Tandis qu’il essayait de se rassurer, Monsieur Duplessis
eut tout à coup l’impression que son cœur cessait de battre. Dans un bruit
épouvantable, il vit une grille projetée du camion vers la chaussée, déformée
comme si elle avait été dynamitée ! Et aussitôt cette masse grise,
s’agitant en tout sens : l’éléphant ! L’éléphant furieux, barrissant,
la trompe en l’air s’avançait vers la Mercedes. La peur saisit Monsieur
Duplessis qui ne pouvait détacher ses yeux de la bête. Il vit des formes, des
gens qui sortaient de leur véhicule en hurlant et qui courraient se réfugier là
où ils pouvaient. L’éléphant avançait toujours, ses cris emplissant l’air et
ses mouvements désordonnés le rendant encore plus impressionnant qu’il n’était
déjà. Le chauffeur du 4x4x avait abandonné son véhicule. Monsieur Duplessis
poussa de toutes ses forces pour essayer d’entrebâiller au moins sa portière,
sans succès.
Il se jeta de toutes ses forces sur l’autre portière,
mais elle ne bougea que sur quelques centimètres. Passer par l’arrière ?
Au moment où il se relevait pour enjamber le dossier, il tomba nez à nez avec
l’éléphant qui le fixait. La bête avait du sang le long de sa trompe. Blessée,
elle était folle. Monsieur Duplessis se tassa dans son siège sur lequel il se
laissa aller. Il hurla, mais le pachyderme, indifférent, posa une patte sur le
capot qui s’enfonça de vingt bons centimètres. Avec lenteur, il posa sa
deuxième patte. La suspension s’écrasa et deux énormes détonations provoquées
par l’éclatement des pneus couvrirent les barrissements. Surpris, l’éléphant
s’arrêta un instant. À ce moment, Monsieur Duplessis eut un énorme
espoir : un homme vêtu d’une blouse blanche épaulait une carabine à
quelques mètres de la bête. Il tira-détonation sèche – et une seringue se
planta dans sa cuisse. L’éléphant tressaillit. Monsieur Duplessis ferma les
yeux, ce qui lui évita de voir l’énorme masse basculer sur le toit de la
voiture et enfoncer le toit. Monsieur Duplessis ne sentit rien, mais il fallut
plusieurs heures aux pompiers pour désincarcérer son cadavre.