vendredi 2 août 2013

Ami, qu’as-tu vu ?

J’ai vu, j’ai vu
Ami, qu’as-tu vu ?

J’ai vu
Une perruque sur une tête de lit
Un orteil sur un pied-de-biche
Une langue énorme dans une bouche de métro
Un panaris sur un doigt de whisky.

Ami, ami, c’est n’importe quoi !
Dis-moi vraiment, qu’as-tu vu ?

J’ai vu
Un pou sur un cheveu sur la langue
Une poussière dans un œil-de-bœuf
Une carie sur une dent des Alpes
Une selle de cuir sur un dos d’âne.

Ami, ami, tu te sens bien ?
Dis-moi donc, ami, qu’as-tu vu ?

J’ai vu, j’ai vu

Une entorse à un bras de fer
Un pantalon neuf sur un rond de jambe
Un plombage sur une dent contre toi
Et une tache de rouille sur une main de fer

Ami, ami, c’est assez !
Dis-moi ami, qu’as-tu bu ?

J’ai vu la terre entière qui perdait la tête
Et des hommes de rien s’occuper de tout
Des chemins de fer qui menaient en enfer
Et des voies d’eau qui m’emportaient au loin.

Oui, ami, j’ai vu tout cela :
Un monde qui ne tourne pas rond
Des hommes qui cherchent leur chemin
Et toi qui ne me crois pas !



Matin

D’abord il fait chauffer l’eau
Dans une petite casserole
Toujours la même, en métal léger
Qui garde les chocs du passé.

Puis du pot de café conservé au frais,
Il prélève deux grandes cuillerées
Qu’il dépose dans le filtre doucement.
Enfin, il verse l’eau, précautionneusement.

Il pose la tasse ébréchée, toujours la même
Depuis tant d’années, toujours rangée
Au même endroit sur le bord du buffet,
Rarement lavée, parfaitement culottée.

Debout, comme s’il était pressé, il boit
Cette première tasse de café.
Puis il prend un sucre
Et sort…

Son chien l’attend devant la porte
Assis, la tête droite, les oreilles dressées.
C’est pour lui le sucre et la caresse
Et les premières paroles : Bonjour, ma belle !

Alors les deux complices vont au bout du chemin.
Dans la vieille boîte à lettres, le journal.
Il revient lentement, écoutant les premiers oiseaux
Se laissant pénétrer des premières odeurs

Du jour, à peine levé. Le chien, lui, n’est pas pressé
Il goûte encore ses moments de liberté
Suivant dans le bois voisin les laissées
Des chevreuils étonnés et d’un vieux solitaire  blasé.

Une deuxième tasse moins chaude – évidemment
Puis la lecture du quotidien – avidement
La journée est commencée – renouvellement
Comme tous les matins – rituellement.





mercredi 17 juillet 2013

Rencontre

Rencontre

Elle hésite, elle s’éloigne, revient,
Attend qu’il n’y ait plus de client,
Puis timidement, se décide enfin
Et pénètre dans la boulangerie.

Ses longs cheveux blancs mal peignés
Dégringolent en vagues désordonnées sur le col usé
D’un manteau d’hiver en partie élimé.
C’est l’été. Le soleil est haut. Il fait chaud.

Par-dessus des chaussettes qui furent blanches
Elle a enfilé son unique paire de souliers :
Que ce soit juillet ou décembre
Elle n’a pas à choisir ni à se tromper.

La boulangère est là, souriante, accueillante
Mais son sourire se fige devant la misère entrée.
Vous désirez ? demande-t-elle imposante
À la pauvre vieille toute tremblante.

Depuis longtemps elle a fait son choix :
Un pain au chocolat c’est combien ?
Quatre-vingt-sept centimes ! C’est précis, imparable.
Alors la veille tend son unique pièce.

Elle repart comme elle est venue,
Rasant les murs, cherchant de l’ombre.
Et tout à coup j’ai honte
De ne pas lui avoir donné, même, un sourire.



(Une vraie rencontre, hier, dans une boulangerie de Louargat.)

vendredi 5 juillet 2013

Sans titre

Sur la terrasse
Elle attend encor la nuit

La feuille morte.


                                                       Nuit d'encre sur la ville
                                                       Une barque passe au loin
                                                       J'attends seul, hélas.


Grand vol d'abeilles
Nouvelle ruche à trouver
C'est l'été enfin !

Je vis Bretagne

J’habite Bretagne –unique région
Je vis Bretagne. Je communie Bretagne
Et pourtant Bretagne n’est pas ma patrie
Je ne suis pas né breton mais je suis breton.
J’habite Bretagne
Là où les histoires se sont mêlées pour écrire l’Histoire
Là où les rivages accueillent l’océan et la mer
Pour sculpter les paysages
Là où les paysages s’entremêlent pour écrire la Géographie
Là où chaque pierre chaque rocher
Est trésor du temps passé
Dans l’immense fournaise où
Se transforment et se créent
Ces rochers libres des côtes ravagées
Et ces alignements de mégalithes soucieux
Pour écrire sur le sol : géologie

Ô Bretagne à la langue secrète
Pour mieux préserver ton identité
Mais dont les enfants aventuriers
Conquérants du monde, navigateurs intrépides
Sillonnent toutes les étendues liquides.
Sans glaives et par les voiles
Par delà les espaces nouveaux
Faisant planer sur tous les continents
Le Gwen an Du brandi fier et haut


Ô Bretagne qui se met à l’ouvrage
Par tes hommes marins et tes femmes de la terre
Mers sillonnées terres travaillées
Donnant à chacun ce qu’il est en droit d’espérer
Et par les prières si Dieu et Notre dame 
Et monsieur de saint Yves et madame Anne
Par tous les Pardons de toutes les chapelles
Et les tantads allumés depuis la nuit des temps
N’apportent pas plus que la galette et la motte de beurre
Les Festoù-noz feront danser les belles
Jusqu’au lever du soleil ou la tombée de la pluie
À moins que la voix de Vassili s’élevant dans la nuit
Me rappelle qu’il est temps
De donner du temps au temps

Pour que Bretagne –Pays où je vis
Vive en regardant devant
Et que les yeux parcourent l’horizon terrestre
Qui se poursuit bien  au-delà

Des étoiles !

vendredi 7 juin 2013

programme pour Paco

J’ai eu la chance d’assister au concert de Paco Ibanez à la Roche Jagu le 12 mai et j’ai pu remarquer, une fois de plus son aversion pour la langue «anglo - américaine ». Il n’emploie aucun mot d’origine  américaine,  raillant même le «  Happy birthday » employé par les français en , « coin coin coin…. » !
J’imaginais lui proposer, à la fin de son spectacle, un petit programme pour le reposer :
Cher Paco, que préfères-tu ? Vu le temps qu’il fait, le bronzing à la plage n’est guère conseillé mais que dirais-tu d’un petit bowling près du terrain de camping caravaning de Paimpol ? Tu ne sais pas jouer ? Mais, il y a possibilité de coaching et je serais un bon sparring-partner!
Tu préfères le Karting ? Ah, non, tu crains pour ton brushing ! Et comme je suis sûr que tu n’es pas fan de body building, donc, retour à l’hôtel. Après une séance de stechtching, débriefing sur la tenue du concert – tu as vu, quel casting!- une petite séance de cocooning avec siesting et après, footing! Je vais te trouver un jogging et t’inquiète pas : pas de forcing pour toi ! Non, décidemment, tu n’as  pas de feeling pour tous ces racings, skating et autres trekkings !
Alors, music! Veux-tu écouter ma dernière chanson ? Prête moi une guitare et je t’en donne un sampling . Pas terrible ? D’accord, on fait un rewriting ? Non, bon alors zapping et restons tranquilles dans le living. De toute façon, je dois renter car demain, c’est le working.
 A huit heures,  briefing du managing, puis un brain-storming avec l’ingeniering. Ensuite, vérification de mes mailings(courriels),listing des lobbyings de nos holdings car je suis consulting, et tout cela sans surfing ni travelling)sur le marketing.  Chez nous, pas de dumping , mais vérification des fixings et dispatching(répartition) des plannings pour rating!

Eh oui, quelle vie ! Je suis né du baby-booming et je déplore ce surbooking ! Alors, cher Paco, je vais être courageux ! Voilà mon outing:

Oui, je l’avoue, j’aimerais m’accorder de temps en temps, un petit break pour boire un … riesling !


Bien entendu, en lisant cela, ma fille Lucie qui habite  Montréal à fait des bonds ! J'ai donc dû tout "franciser" ! ce qui donne : 

J’ai eu la chance d’assister au concert de Paco Ibanez à la Roche Jagu le 12 mai et j’ai pu remarquer, une fois de plus son aversion pour la langue «anglo - américaine ». Il n’emploie aucun mot d’origine  américaine,  raillant même le «  Happy birthday » employé par les français en , « coin coin coin…. » !
J’imaginais lui proposer, à la fin de son spectacle, un petit programme pour le reposer :
Cher Paco, que préfères-tu ? Vu le temps qu’il fait, le bain de soleil à la plage n’est guère conseillé mais que dirais-tu d’une partie de quilles près du lieu de campement et tourisme en caravane de Paimpol ? Tu ne sais pas jouer ? Mais, il y a possibilité d’entraînement, et je serais un bon partenaire!
Tu préfères les courses de petites cylindrées ? Ah, non, tu crains pour tamise en plis! Et comme je suis sûr que tu n’es pas fan de culturisme, donc, retour à l’hôtel. Après une séance d’étirements), compte-rendu sur la tenue du concert – tu as vu, quelle distribution !- une petite séance de    pantouflage  avec sieste et après,  course à pied ! Je vais te trouver un survêtement et t’inquiète pas : pas de pression pour toi ! Non, décidément, tu n’as  pas de sentiments pour toutes ces courses, patinage à roulettes et autres randonnées !
Alors, musique ! Veux-tu écouter ma dernière chanson ? Prête-moi une guitare et je t’en donne un extrait. Pas terrible ? D’accord, on fait une réécriture ? Non, bon alors changement et restons tranquilles dans la salle à manger. De toute façon, je dois renter car demain, c’est le boulot.
 A huit heures,  réunion d'information du patron, puis une réunion du groupe de réflexion avec le chef de bureau. Ensuite, vérification de mes courriels, listage des décideurs de nos sociétés   car je suis conseiller en organisation, et tout cela sans recherche sur la Toile  ni déplacement sur le mercatique.  Chez nous, pas de  ventes à perte, mais vérification des cotations boursières et répartition des programmes pour évaluation !

Eh oui, quelle vie ! Je suis né du mouvement démocratique d’après guerre et je déplore cette sur- réservation! Alors, cher Paco, je vais être courageux ! Voilà je me dénonce :

Oui, je l’avoue, j’aimerais m’accorder de temps en temps, un petit break pour  boire un … whisky !

Un tautogramme en "B"

texte en hommage à mon ami Bernard C.

Boulot brutal à Bordeaux

 Bonjour banal sans banderoles ni banjo ! Baratin ou baragouin, bref....bavardage

         Bertrand buvait bravement, Byrrh, Brandy, bocks de bière, beaujolais et autres boissons, tout sauf tord-boyaux. Il buvait beaucoup et bizarrement, il bouffait bien ! Il se bâfrait de betteraves, de blinis, de bigorneaux et beaux belons, de bars et barbues , de blanquettes,  beefsteaks et bourguignons, de Brie, bleu de Bresse et beaufort , de bigarreaux et bananes et de babas. Bref ! Des banquets de banquiers. Bavant comme un bébé devant son biberon, bavettes de bœuf au beurre, biscuits, boîtes de bonbons et bouchées, toute bonne bombance lui était bénéfique.

Dans les bars et brasseries qui bouffaient son budget et où il  bloquait   ses breaks, Bertrand rencontrait Brigitte la brésilienne, Brieuc le brancardier breton, Brando le birman, et Bryan, le boxeur bulgare. Que de bonnes bousculades autour d’un bourbon ou d’une brillante  bouteille de blanc  au bouquet balsamique ! Bras dessus-dessous, les braillements, les  baisers, bécots et bisous n’étaient point blasphèmes braillards à braquer les bourgeoises et les bourgmestres bougons !

Bertrand boursicotait à la Bourse avec son bon Bogart, le bouquiniste et Bernard le baladin qui habitait près de la basilique Saint Jacques  (oui, je sais, c’est la Chapelle ! Mais, chapelle ça ne commence pas par un « B » !) Bernard avait bourlingué de Brest à Besançon, de Bégard à  Bourbriac et même de Bourg la Reine à Bosc-Bordel. Il baguenaudait, batifolait, babillant dans la bagatelle, besognant à coup de baisemain les blondasses bien brossées.  Quant au beau Bogart, pas tant de bouleversements ! Natif de Bordeaux, bordelais il restait boulonné. Benoit, le bijoutier boulonnais,  grand bonnet des bagues en Baccara, avait blâmé les boursicoteurs de tant de bienfaits boiteux ! Car, ils en bloquaient des billets de banques et des bénéfices, les bougres bluffeurs.

Las,  un bath bateau de bestiaux de Bogota bouleversa les boss bordelais. Un bonze bossu, biélorusse de surcroit, balança son barda près du Bar des  bidonneurs. Bientôt, tous les bérets furent en berne. Il ne bénit point les besogneux hors du  besoin , ne les berça pas de basiques bémols de Beethoven et autre bécarres de Berlioz, mais ce fut un bazar de béliers bêlant sous des belvédères belges, un brame de belles-sœurs burkinaises devant les becs béants de leurs bébés  , une bastonnade de baskets basques devant un bastion batave, un boucan de bastos bavarois,  une belliqueuse bataille de barricades comme à la Bastille ! Bref, loin des béatitudes et des babilles de Barbie, notre baryton bouddhiste bouscula Bertrand, Bernard de la basilique Saint Jacques et le bon Bogart et, les  bascula derrière les barreaux du baptême de Bouddha.

         Nos ex-banquiers barbus, bienheureux comme des bambins d’une banalité ballote, bigots comme des bacheliers battus, devinrent bénévoles bibliques et rentrèrent au bercail.

Bertrand ne biberonnera  plus que de la Badoit, fit des bivouacs de bâton de berger et de biscottes beurrées et bombarda de bon cœur une bonasse biographie de Bergson qui fit un boum sauf dans les bordels bordelais !

Francis     DELEMER

Veillée du 22/04/2013