Parus, à paraître, en cours... des "Poèmes",du slam,des contes et toutes sortes de textes. pas de quoi avoir un Prix !
mardi 31 mars 2020
le fil à suivre
Avec ce confinement qui dure depuis quinze jours j’ai perdu le fil de mes idées. Pourtant il est bien là, le fil. Pas le fil à plomb : je ne peux pas bricoler. Tout ce qu’il faut pour bricoler ne fait pas partie des denrées de première nécessité. Alors, je reste à la maison.
lundi 30 mars 2020
cococo vid 19
Terre morte rues désertes silence
ombres furtives dans la
nuit silence sortir braver l'interdit avoir envie on
ne regarde plus devant trop
d'inconnu même pas de questions seulement espérer vivre échapper à la bête cette bête plus petite que l'imagination pouvait se la
représenter
aucun romancier n'avait
écrit une telle catastrophe
mais cette bête plus terrible que mille dragons des légendes
cette bête qui tue homme femme enfant vieux jeune sans prévenir
cette bête est là
tout autour partout en nous
alors on
nous dit on nous
dit à longueur d'antenne des voix qui
envahissent et l'espace et l' esprit
des voix qui conseillent
qui ordonnent qui décrètent
ô poète détruit le mot
liberté ce mot qu’Éluard écrivait sur des
cahiers d’écolier
les écoles sont fermées
la bête y est elle rôde sournoise silencieuse
inattendue
Pas de malades imaginaires
pas de Toinette pour s’écrier
le poumon vous dis-je le poumon
car c’est lui qu’elle attaque la
bête empêche de respirer elle attaque le souffle le souffle qui est la vie
alors combat combat
de chaque instant avec des armes désuètes
nos masques et nos gants le
lavage des mains jusqu’à l’usure
l’évitement le
confinement les gestes
barrière et la clé
la clé pour fermer cette
barrière qui la possède
on n’ose plus vivre d’ailleurs vivre
pourquoi pour qui
c’était mieux avant ah
oui oui c’était mieux avant
le coronavirus
jeudi 12 décembre 2019
A Gaudi
L’architecte catalan
Antoni Gaudí i Cornet est célèbre dans le monde entier pour son immense
talent : la tour Bellesguard, le Park Güell, la restauration de la
cathédrale de Majorque, l’église de la Colonia Güell, la Casa Batlló, La
Pedrera et enfin la Sagrada Familia. Il mourut le 10 juin 1926, renversé par un
tramway alors qu’il faisait, comme chaque soir, le trajet entre l’église de
Sant Felip Neri et la Sagrada Familia
Gaudi lève les yeux
puis les baisse
une fleur modeste pousse là
une fleur en forme de
spirale
Gaudi imagine aussitôt
une tour fantastique
qui s'élance dans le ciel
prière à Dieu
le temps se construit peu
à peu
idées lignes tracées
droites et courbes mêlées
construction hardie
de l'architecte
visionnaire
rêve brisé brutalement
pauvre corps allongé
sur la chaussée mouillée
corps sans vie
de l'artiste oublié.
lundi 9 décembre 2019
Dire dire encore
Combien de barreaux à scier
et combien d’outils à trouver
de pierres à arracher
de portes à enfoncer
de cerveaux à exploser
frère de Palestine ami turc cinéaste de l’est
taisez vous donc
murez-vous dans le silence
brûlez votre papier
cassez vos crayons
tout ce qui vous rapproche de la potence
Il fut un temps où vous étiez assis près des puissants
partageant les mêmes scènes les mêmes tables
les mêmes tribunes
vos poitrines étaient couvertes de breloques rutilantes
les éloges pleuvaient sur vous
vous étiez les invités permanents de ceux qui brillaient
derrière vos œuvres
et puis les temps ont
changés
les belles avenues couvertes de fleurs sont maintenant
chemins de calvaire
les micros sont coupés, les expositions interdites.
Les dictateurs, les nationalistes les chefaillons protégés
par les puissances de l’argent
par les kalach'boys
par les démocrates donneurs de leçons ont tourné la roue
vous n’êtes plus les gagnants on vous montre du doigt
les invectives tombent, les crachats vous visent
et quand quelqu’un
homme simple, femme
aimante, révolté de l’injustice
élève la voix pour permettre d’entendre la vôtre,
tague des murs, colle des affiches, s’empare de la rue
on l’ignore on le montre
on détourne le regard
on se bouche les oreilles
les passants aveugles et sourds tout à coup
se cachent pour ignorer
il reste seul combattant inutile
désespéré de ses gestes
seul sacrifié pour que vous puissiez exister
combien de cadavres anonymes
jonchent les trottoirs de Téhéran
les cours de Bagdad, les impasses d’Istanbul
combien de fosses perdues
pour recueillir des étudiants chinois
Poète tu ne sauras pas compter
Et tes mots résonneront moins fort encore
Que les images de BFM télé
Mais le mot reste ta force
Ta seule arme de conviction
Et il faudra t’amputer
Pour t’empêcher de crier.
Regard éteint
Je ne crains rien
ni l'Ankou ni la Camarde
je les ai vu à l'aube
venir prendre un ami musicien
une flûte à ses côtés
qu'il tenait fort serré
il n'a rien vu venir
il s'est laissé emporté
Ça n'a pas fait de bruit
je n'ai pas entendu un cri
c'était au petit matin
en ce milieu de juin
j'ai glissé ma main
sur son regard éteint
plus aucune flamme jamais
ne le fera briller
ses lèvres dessinaient pourtant
un léger sourire enfantin
mais aucun éclat de rire
ne jaillira plus jamais
silence ami musicien
et quand viendra mon tour
pas sûr que je fixe rendez vous
ce n'est pas sur un lit d'hôpital
que je veux finir mes jours
hélas de cela je ne suis pas maître
aurais-je encore un seul ami poète
pour me dire adieu
un ami poète, un apôtre ou un démon
pour m'accompagner sur le chemin
de la crémation
entendrais-je Johnny chanter
allumez le feu
y aura-t-il le son des guitares
pour faire danser les flammes
dans les yeux
ou le silence pour l'oublié
le silence
pour oublier ma présence dans toutes vos absences.
2018/mai 2019
carnet rouge
lundi 23 septembre 2019
Sculpteurs
Terre
souplesse à humecter
mains qui façonnent
qui roulent écrasent
hésitent
puis étirent enfin
modèlent
la femme peu à peu se devine
se révèle s’affirme
s’expose
son regard se porte au loin
ce lointain que la main confirme
elle ne cache rien ni des formes
ni de sa nudité
pourtant elle ne provoque pas
elle est
femme elle est mère
son ventre conserve des plis
et son sexe finement ourlé
a donné et reçu du plaisir
Maillol peaufine reprend lisse
pour ne laisser aucune empreinte
aucune signature
puis tel le chef étoilé
surveille la cuisson
de son œuvre
c’est cette femme qui s’expose
que j’admire
je n’arrive à m’en détacher
tomber amoureux
rester de marbre
à ses côtés.
Visite de l’exposition Rodin Maillol musée Hyacinthe Grimaud Perpignan septembre 2019
Les étrangers
LES
ÉTRANGERS
Ils sont arrivés à la fin
de l’hiver.
Le printemps n’était pas
installé.
La vieille voiture
fatiguée tractait une caravane rafistolée.
Ils se sont garés sur le
terrain communal, près de l’ancien cimetière, bien avant le réveil du village.
Un chien a aboyé. La lune a disparu mais le soleil ne s’est pas levé.
C’est le cantonnier qui,
le premier, les a aperçus. Il a raconté cela au bistrot où il allait boire son
premier café arrosé de la journée.
En moins d’une heure, la
moitié du village a trouvé un prétexte pour y aller voir. Les mères inquiètes
se demandaient s’il fallait envoyer les gamins à l’école.
Le maire a tenté de les
raisonner : comment éviter la peur devant l’inconnu ?
Non, mais regardez-moi
cela !
Et d’abord, avaient-ils
le droit de s’installer là, avec tout leur barda ?
C’est quoi ce bazar
qu’ils ont sorti ?
Et leur chien ? Comme il a l’air
mauvais !
Et vous avez-vu comment
ils sont habillés ?
Eh, Monsieur le maire, faut leur dire de
partir !
Mais le maire n’avait pas
envie ! Il a dit qu’il allait téléphoner au préfet puis aviser.
Un cri terrible a couvert l’agitation naissante. C’était
Simone. Le lit de son petit garçon était vide.
Elle avait cherché dans
toute la maison : il n’était pas là ! C’est sûrement ces étrangers
qui ont fait le coup ! C’est sûr !
On n’a pas attendu le retour
du mari de Simone qui était de nuit à l’usine.
On a sorti les fusils et
tout ce qui pouvait servir d’armes.
La foule déchaînée a
décidé, comme cela, naturellement, de se venger.
L’homme a été atteint par
plusieurs balles à sanglier.
La femme a reçu des
coups, toutes sortes de coups. En lui plantant une fourche dans le ventre, on
s’est rendu compte qu’elle était enceinte.
Leur enfant, on l’a
balancé dans la rivière.
La voiture et la caravane,
on les a incendiées.
Seul le chien, qui
s’était sauvé, en a réchappé.
On a chanté et dansé
autour du feu et quand les gendarmes sont arrivés, ils n’ont pu qu’appeler les
pompiers.
Cette affaire a été
classée sans suite, sans suite pour personne.
On s’est débarrassé
des corps dans la fosse commune sauf
celui du petit, jamais retrouvé.
Quant à l’enfant disparu,
il jouait à cache-cache sous son lit.
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