jeudi 12 décembre 2019

A Gaudi


L’architecte catalan Antoni Gaudí i Cornet est célèbre dans le monde entier pour son immense talent : la tour Bellesguard, le Park Güell, la restauration de la cathédrale de Majorque, l’église de la Colonia Güell, la Casa Batlló, La Pedrera et enfin la Sagrada Familia. Il mourut le 10 juin 1926, renversé par un tramway alors qu’il faisait, comme chaque soir, le trajet entre l’église de Sant Felip Neri et la Sagrada Familia

Poème écrit après la visite de la Sagrada familia


Gaudi lève les yeux

puis les baisse

une fleur modeste pousse là

une fleur en forme de spirale

Gaudi imagine aussitôt

une tour fantastique

qui s'élance dans le ciel

prière à Dieu

le temps se construit peu à peu

idées lignes tracées

droites et courbes mêlées

construction hardie

de l'architecte visionnaire

rêve brisé brutalement

pauvre corps allongé

sur la chaussée mouillée

corps sans vie

 de l'artiste oublié.



lundi 9 décembre 2019

Dire dire encore


Combien de barreaux à scier
et combien d’outils à trouver
de pierres à arracher
de portes à enfoncer
de cerveaux à exploser
frère de Palestine ami turc cinéaste de l’est
poète à jamais condamné
taisez vous donc
murez-vous dans le silence
brûlez votre papier
cassez vos crayons
tout ce qui vous rapproche de la potence

Il fut un temps où vous étiez assis près des puissants
partageant les mêmes scènes les mêmes tables
les mêmes tribunes
vos poitrines étaient couvertes de breloques rutilantes
les éloges pleuvaient sur vous
vous étiez les invités permanents de ceux qui brillaient
derrière vos œuvres
 et puis les temps ont changés
les belles avenues couvertes de fleurs sont maintenant chemins de calvaire
les micros sont coupés, les expositions interdites.
Les dictateurs, les nationalistes les chefaillons protégés par les puissances de l’argent
 par les kalach'boys par les démocrates donneurs de leçons ont tourné la roue
vous n’êtes plus les gagnants on vous montre du doigt
les invectives tombent, les crachats vous visent
et quand quelqu’un
 homme simple, femme aimante, révolté de l’injustice
élève la voix pour permettre d’entendre la vôtre,
tague des murs, colle des affiches, s’empare de la rue
on l’ignore on le montre
on détourne le regard
on se bouche les oreilles
les passants aveugles et sourds tout à coup
se cachent pour ignorer
il reste seul combattant inutile
désespéré de ses gestes
seul sacrifié pour que vous puissiez exister

combien de cadavres anonymes
jonchent les trottoirs de Téhéran
les cours de Bagdad, les impasses d’Istanbul
combien de fosses perdues
pour recueillir des étudiants chinois
Poète tu ne sauras pas compter
Et tes mots résonneront moins fort encore
Que les images de BFM télé
Mais le mot reste ta force
Ta seule arme de conviction
Et il faudra t’amputer
Pour t’empêcher de crier.


Regard éteint


Je ne crains rien
ni l'Ankou ni la Camarde
je les ai vu à l'aube
venir prendre un ami musicien
une flûte à ses côtés
qu'il tenait fort serré
il n'a rien vu venir
il s'est laissé emporté
Ça n'a pas fait de bruit
je n'ai pas entendu un cri
c'était au petit matin
en ce milieu de juin
j'ai glissé ma main
sur son regard éteint
plus aucune flamme jamais
ne le fera briller
ses lèvres dessinaient pourtant
un léger sourire enfantin
mais aucun éclat de rire
ne jaillira plus jamais
silence ami musicien

et quand viendra mon tour
pas sûr que je fixe rendez vous
ce n'est pas sur un lit d'hôpital
que je veux finir mes jours
hélas de cela je ne suis pas maître
aurais-je encore un seul ami poète
pour me dire adieu
un ami poète, un apôtre ou un démon
pour m'accompagner sur le chemin
de la crémation
entendrais-je Johnny chanter
allumez le feu
y aura-t-il le son des guitares
pour faire danser les flammes
dans les yeux
ou le silence pour l'oublié
le silence
pour oublier ma présence dans toutes vos absences.


2018/mai 2019
carnet rouge