L'ex-taulard est mort dimanche 19 février, à 69 ans. Né à
Elbeuf ( Seine Maritime), il disait à propos de sa ville et de son enfance : « Je préférais les anciens quartiers du Puchot,
la Rigole, le vieil Elbeuf avec les maisons normandes. C’était extraordinaire.
Elbeuf était une ville de drap, ça suait la misère, certes, mais, le soir, on
entendait les vélos qui roulaient avec les bouteilles de vin qui tintaient. Il
y avait de la vie. Et il faut savoir qu’Elbeuf a été à la pointe de la première
épopée des blousons noirs en France. En 1963, la bande à Maridor avait attaqué
la gendarmerie de Pont-de-l’Arche. J’ai de bons souvenirs de mon
enfance. » (entretien avec Patrick
Pellerin, journaliste au Journal
d’Elbeuf). Cette enfance, faite de petits vols qui coûteront la vie à son frère Jean, abattu par un commerçant
pour un vol d'autoradio, il la racontera dans Voleur de poule. Avec
ses sept frères et sœurs, vivant dans un baraquement, élevé par des parents
alcooliques, il fréquente assidûment la Soupe populaire. C’est son père ( celui
qu’il appelle Tonton) qui l’initie ! «Tonton bandait pour la nuit.
La nuit, la cambriole, la nuit, le chapardage et même le travail. Mais il avait
constamment son idée à lui. Dans la journée, il y pensait. Le soir venu, Jean
et moi, on le regardait sortir avec la pouche à charbon. On attendait qu’une
chose, qu’il nous demande d’aller aux poules avec lui»
26 années de prison…dont 8 en QHS
Le 4 mars 1972, Roger Knobelspiess est condamné à 15 ans de
prison pour un braquage de…800 francs ! Il a 25 ans lorsqu’il écope de
cette lourde peine pour avoir braqué une station-service. Il aura beau nier le
vol, fournir un alibi, la cour d’assises de l’Eure, peu sensible à ses
récriminations, l’envoie directement derrière les barreaux. De cette injustice
naît une révolte qui ne s’éteindra plus. En prison, il rencontre Jacques
Mesrine. En 1981, il est gracié par le président François Mitterrand. Mais, il disait
ne pas pouvoir pardonner cette « vraie erreur judiciaire ». « On m'a volé
toutes ces années de ma vie pour quelque chose que je n'avais pas commis. »
En 1983, il retourne derrière les barreaux pour un braquage
qu'il nie à nouveau avoir commis. Il va alors commettre un geste qui marquera
les esprits. Il se coupe un doigt et l'envoie à Robert Badinter le garde des
Sceaux pour protester contre son incarcération. Il sera finalement acquitté en
1986. Mais il retournera en prison quelques années plus tard pour un autre braquage. Nouveau séjour en prison en 1987 après une condamnation à sept ans de réclusion pour une fusillade contre des policiers en 1982. Pour les uns, Knobelspiess devient l’emblème
de l’erreur judiciaire. Pour les autres, il est celui de la «politique laxiste
de la gauche».
Écrivain, il prend la plume pour
défendre les Taulards
«Mon stylo, c’est ma vie bafouée, mon encre, c’est mon sang
martyrisé, mon talent, c’est ma tête relevée.»
Pendant ces années d’incarcération, Roger Knobelspiess va noircir des dizaines et des dizaines de cahiers. En 1980, depuis sa cellule, il écrit QHS, dans lequel il relate ses conditions de détention dans les Quartiers de Haute Sécurité. Il sera vendu à plus de 300 000 exemplaires. Il frappe l'opinion et s'attire la sympathie de nombreux artistes et intellectuels, Claude Mauriac, Claude Manceron, Jean Genet, André Glucksmann, Yves Montand, Simone Signoret, Léo Ferré… Ou encore, Jacques Higelin, qui composera en 1988 la Ballade pour Roger. «J’peux plus dormir. J’peux plus rêver. Je ne suis pas sûr demain de me réveiller», dit la chanson. L'actrice Marie Rivière, un temps sa compagne, a publié en 1988 Un amour aux Assises, où elle racontait son procès et leur rencontre.
Libéré en 1990, il
continue d’écrire ses souvenirs, des fictions, des scénarios . Il a même tourné de petits rôles au cinéma et à la
télévision, notamment dans Capitaine Conan de Bertrand Tavernier, et pour des
téléfilms de Jean-Pierre Mocky. « J'ai même incarné un flic. J'ai aussi
écrit quelques scénarios », dont celui d'une BD sur Jacques Mesrine, qu'il
avait rencontré en prison, (Messine,
l'évasion impossible -Casterman, 2008). « J’ai côtoyé Jacques Mesrine au
QHS de Fresnes en 1977 mais, quand j’étais son codétenu, j’étais un illustre
inconnu(…) On est devenus amis, on a fondé le syndicat des évadés, nous étions
unis dans la lutte contre les QHS ».
Son ami Wolinski lui dédiera un croquis. On y
voit deux personnes hurlant devant le mur de la prison : «Libérez
Knobelspiess». L’intéressé leur répond de fond de sa geôle : «Faites pas chier,
j’ai pas fini d’écrire mon livre ! »
En 2012, il avait
menacé de se couper de nouveau un doigt si François Hollande ne rétablissait
pas les grâces présidentielles du 14 juillet.
Il habitait depuis vingt ans dans l'Yonne
Depuis le
Tonnerrois, où il résidait depuis une vingtaine d'années, il continuait à
dénoncer le système carcéral et à se battre pour les droits des détenus. En
2012, il avait menacé de se couper de nouveau un doigt si François Hollande ne
rétablissait pas les grâces présidentielles du 14 juillet.
Il s'est éteint dans
la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 69 ans. Il est, lui aussi, «entré par effraction dans l’éternité», selon les mots
qu’il dédiait à son ami Jacques Mesrine. Une cérémonie aura lieu lundi 27
février à l’église d’Elbeuf, à 10 heures suivie de l’incinération à 17 h.
RIP